Chronique lecture : Arpenter la nuit de Leila Mottley

Note : 4 sur 5.

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« Arpenter la nuit » n’est pas un roman que j’aurais acheté, si je n’avais pas eu à l’écouter, pour le Jury Audiolib 2024.

C’est un roman dur, mais malgré tout je suis contente de l’avoir découvert, d’avoir « rencontré » cette plume et j’ai été heureuse que Amélia Ewu, comédienne pratiquant régulièrement le doublage, m’en fasse la lecture.

Le titre ne laisse pas beaucoup d’espace à l’imagination, on va y parler de prostitution, on va y parler de noirceur, et on va y parler de plus, de jeunesse.

L’histoire :

Kiara Johnson est une jeune femme noire de 17 ans, dont le papa est mort, dont la mère est en centre de réinsertion, et dont le grand frère, Marcus, rêve et tente de faire du rap, sans succès.

Elle habite donc seule dans un appartement typique des États-Unis, à Oakland près de San Francisco, dans un de ces lieux, aux murs en papier de cigarette, réunis autour d’une piscine.

Elle doit se débrouiller rapidement pour trouver de l’argent, car son frère ne cherche pas de vrai travail, et le propriétaire menace de doubler les loyers !

De plus elle s’occupe de son petit voisin de 9 ans, Trevor, que la maman toxico, Dee, laisse seul de nombreux jours livré à lui-même. Elle compte beaucoup sur Kiara et elle a raison car celle-ci va s’occuper de lui comme une grande sœur.

La désillusion :

Kiara n’a pas fait d’études, mais elle aime beaucoup peindre, joue très bien au basket, et a des ami.e.s fidèles comme sa copine Alé. La maman de celle-ci ayant un restaurant, son amie la nourrit parfois.

La jeune fille est très proche de son frère Marcus, mais commence à lui en vouloir de ne pas chercher de boulot et de ne pas se rendre compte de la situation vraiment compliquée dans laquelle ils sont. Rien à manger, plus de wifi, un loyer à payer, et celui de Dee, en plus, pour que Trevor ne se retrouve pas lui aussi à la rue !

Alors un jour dans un bar, elle réalise qu’elle plaît à un homme, et se laisse faire lorsqu’il couche avec elle, tout étonnée qu’il lui donne ensuite 200 dollars !…
Pour elle cela était si facile, elle était tellement absente dans ce moment qu’elle décide d’offrir son corps contre une rémunération… et elle commence à arpenter les trottoirs ! 😓👠

Kiara prend de l’alcool à chaque fois qu’elle sait qu’elle va proposer ses services contre de l’argent, pour essayer de ne pas se souvenir de ce qu’elle a fait, le lendemain matin. 🍷

Et puis un jour, un homme est violent avec elle dans la rue, plus violent que les autres, je veux dire, mais les policiers s’interposent… ils peuvent la protéger… 🚓

Ce qui m’a fait de la peine pour elle, en plus de tout cela, c’est que beaucoup de gens la jugent et pensent qu’elle aurait pu faire autrement que de se prostituer…

Une héroïne hors du commun :

Il y a dans ce roman beaucoup de gens qui ont manqué à leurs devoirs et leurs responsabilités, à commencer par sa mère, son grand frère, leur oncle, la mère de Trevor, et bien évidemment les policiers, et ça fait beaucoup pour une jeune fille !

La lumière dans ce roman existe en la personne du petit Trevor, de la relation qu’il a avec Kiara, de l’amitié de Alé, de l’amour de Tony, et l’autrice a placé en cette jeune Kiara une force de caractère peu banale, tout habituée qu’elle est depuis son enfance à devoir se débrouiller seule, et à ne pas se bercer d’illusions sur la vie. Sans être jamais vraiment sortie de son quartier, elle a compris le monde. 😔

L’autrice noire-américaine, qui n’a que 22 ans cette année, mentionne à la fin qu’elle a commencé à écrire ce livre à 17 ans, car elle a voulu mettre en avant cette histoire, vraie pour partie, et alerter sur « l’adultification » des jeunes femmes noires. Trop de femmes noires sont maltraitées, et beaucoup plus, encore, que les blanches.

Leila Mottley, photo sur son site

Je suis épatée par la maturité dont elle a fait preuve, le réalisme, par les recherches et rencontres entreprises, et même si c’est un roman difficile, il n’y a aucun misérabilisme, et Leila Mottley autant que son personnage et que la comédienne à la lecture, ont su lui donner beaucoup de dignité.

J’ai aimé la voix douce et légèrement éraillée qu’un jeune garçon adolescent pourrait avoir, de Amélia Ewu.

J’ai lu récemment, également pour ce jury, « Traverser la nuit » de Hervé Le Corre, j’y ai retrouvé ce réalisme de la vie de certaines personnes, tellement éloignée de la mienne, que je suis reconnaissante aux auteurs de nous raconter et de nous alerter sur ce qui se passe autour de nous. Et de donner corps à des personnages de papier, pour porter leur histoire jusqu’à nous.

Le père de l’héroïne ayant beaucoup aimé le jazz, quelques notes de trompette émaillent l’histoire entre les chapitres, pour mon plus grand plaisir. 🎺

Editions Albin-Michel. 416 pages. 2022

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