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« Si on avait su qu’un Boche, c’était rien qu’un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus. »
Généralement je ne me lance pas la fleur au fusil si je puis dire, dans des livres concernant les guerres, que ce soit 14-18 ou 39-45. Ou autres.
Mais faisant partie du Jury de livres audio Audiolib 2024 je n’avais pas le choix… et j’en suis heureuse. Je viens de terminer Le soldat désaccordé, après quelques belles heures d’écoute.
Pourquoi je lis peu de livres autour de ces périodes ? Pour deux raisons.
La première est la peur d’être en larmes tout le long d’un roman ou pour partie, et pourtant cela n’empêche pas de ressentir la beauté de l’écriture, cela n’empêche pas le plaisir de lire, et la profondeur des émotions laissent des souvenirs indélébiles, comme pour La chambre des officiers, de Dugain, livre adoré, et dont l’histoire ne me quittera jamais.
La seconde c’est très clairement de m’ennuyer en ayant l’impression de suivre un cours d’histoire, ce n’était pas particulièrement ma matière favorite. 😋 Pour moi ça, c’est rédhibitoire !
Alors je remercie Gilles Marchand pour son Soldat désaccordé. Sans heurt, sans difficulté, je l’ai suivi dans son conte au joli nom, autour de la Grande guerre, en faisant un pas de côté par-rapport à ce qu’on en connaît tous.
On peut d’ailleurs l’écouter nous en parler, puisqu’il y a un entretien de l’auteur à la suite du roman.
Je remercie aussi Laurent Natrella, pour sa voix douce qui n’en fait pas trop, lors de la lecture de ce livre. J’ai aimé ses inflexions et son jeu lors de moments plus légers et de poésie.
Même s’il s’agit de la guerre de 14-18, il s’agit avant tout d’une histoire d’amour !
La voici cette histoire :
Le narrateur, qui n’a pas de prénom, se lance dans une enquête, après le conflit, au début des années 20.
Lui-même a été blessé au tout début de la guerre et a perdu sa main gauche, ce qui probablement lui a donné l’énergie de se battre pour ses camarades, et de retrouver certains d’entre eux disparus des radars après la guerre.
Il mène de front plusieurs enquêtes, mais celle qui nous intéresse sera financée par une grande bourgeoise, Madame Jeanne Joplain, la mère d’Émile, soldat de 20 ans à l’époque de sa disparition.
Elle le recherche comme toute mère chercherait son fils, mais le narrateur et nous allons le chercher comme un amoureux transi chercherait son amoureuse et vice-versa.
En effet Émile était fou amoureux de Lucie, la jeune bonne qu’il retrouvait chaque été dans la résidence de vacances.
Pendant plusieurs années cette maison a abrité leurs amours, et ils avaient projeté de se marier. Mais conjointement, le refus de sa mère (on ne mélange pas les classes…) et l’arrivée de la guerre ont mis à mal ce désir.
Émile a été enrôlé, dans la Somme et à Verdun et on perd sa trace en 1916.
Il écrivait des poèmes à Lucie, mais malheureusement comme elle était alsacienne, et donc dans le camp ennemi, elle ne recevait pas ses courriers. 📭

Et le narrateur, ancien conducteur de tramways parisiens, de lancer son enquête en marchant, beaucoup, en interrogeant, encore plus, en tentant de remonter le temps pour se retrouver dans le sillage du jeune homme, de l’est au nord de la France, mais également dans celui de Lucie. Car il le comprend au bout d’un moment, Lucie a elle-même tout fait pour retrouver la trace de son amour, « beau comme un prince, et qui parle comme un poète ».
Les personnages :
J’ai aimé chacun des personnages de cette histoire, principaux ou secondaires.
J’ai aimé le narrateur qui se lance à corps perdu dans cette histoire, légèrement coupable de ne s’être pas battu jusqu’au bout avec ses camarades, et dont on comprend qu’il a aimé une Anna qui ne semble pas être présente dans le roman, autrement que dans ses souvenirs.
J’ai aimé son partenaire dans les recherches, Raymond, qui compte tout, et à qui le comédien Laurent Natrella a donné un rythme de voix amusant.
J’ai aimé le personnage de la Fille de la lune qui n’est pas sans me rappeler la Vierge froide des racontars de Jørn Riel, apparition magnifique et fantomatique qui donne du baume au cœur aux hommes esseulés… mythe ou réalité ? 😉🌚
J’ai aimé à travers le narrateur, Émile et Lucie, pour leur tempérament, leur gentillesse et leur amour qui dure au-delà du temps et des immenses difficultés.
J’ai aimé presque tous les hommes que notre conteur rencontre et qui lui relatent la guerre de leur point de vue. On n’imagine pas le stress post-traumatique ressenti par les combattants. Je laisse évidemment de côté le médecin fan des électrochocs ! 😵
J’ai aimé la fin, mais pour cela je ne pourrai rien vous dire ! 😀
Pour plusieurs raisons, ce roman n’a pas été sans me rappeler le style de Pierre Lemaître, dans sa collection des Enfants du désastre.
Et si je le considère comme un conte, plus que comme une enquête, c’est pour le côté « Mille et une nuits », et pour cette Fille de la lune, qui se « promène » d’un champ de bataille à l’autre.
L’Histoire avec un grand H :
Bien sûr j’ai apprécié d’en connaître plus sur la Grande Guerre, je ne me rendais pas compte qu’il y avait eu tant de soldats disparus après celle-ci. Il y aurait d’ailleurs 700 000 soldats encore enterrés sous les champs, dont 250 000 français, on les redécouvre au fur et à mesure…!!
» Ça représentait un stock de tendresse laissé à l’abandon, et pour lequel on était prêt à se battre. »
J’ai apprécié l’histoire des Amérindiens, embauchés pour leur capacité à coder les messages.
En seulement 5 heures de narration, j’en ai appris plus sur cette guerre, qui devait être la der des ders. 😥 L’auteur venait de terminer son travail d’écriture, lorsque la guerre en Ukraine a éclaté…

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