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Les âmes grises, c’est pour moi un beau cadeau, comme la vie sait en offrir parfois…
Il y a quelques années, j’ai décidé de trier ma bibliothèque en ne gardant vraiment que les ouvrages qui m’avaient beaucoup plu. J’avais envie de pouvoir regarder chaque tranche ou chaque couverture, en me souvenant d’un moment de vie, d’une lecture agréable, quelle que soit l’histoire. Et il se trouve que pour une trentaine d’ouvrages, je ne savais pas choisir, tout simplement parce que je ne me souvenais pas si j’avais apprécié ou pas ces romans, à la lecture (ça, ce n’est plus possible avec ma notation sur Babelio !). Le livre de Claudel faisait partie de cette « sélection ».
J’avais peu apprécié le Rapport de Brodeck en livre audio, mais j’avais adoré Parfums et la Petite fille de Monsieur Linh, et je peux donc dire dorénavant que je suis vraiment fan de Philippe Claudel, un homme que j’apprécie déjà énormément quand je le vois à la Grande librairie.
L’histoire :
Les âmes grises est un conte magnifique, poignant, poétique, voire même sensuel grâce aux descriptions d’odeurs, de textures, de sons, mais triste.
J’ai repensé aux Perrault et Handersen de mon enfance. Rien à voir avec de la littérature enfantine, mais il y a une ambiance sombre, typique des forêts traversées par les petits qu’on perdait ou que le loup voulait dévorer !😉
J’ai commencé quelques lignes et je me suis retrouvée happée par cette histoire qu’on imagine probablement en Alsace-Lorraine, pendant la guerre de 14-18, dans une petite ville.
Étonnant ce bourg, situé aux abords des champs de la Grande Guerre, mais il fallait bien qu’elle prenne place et soit délimitée à un endroit, cette boucherie ! En montant sur une sorte de colline, les habitants pouvaient même de loin voir tomber les tirs d’obus, mais en tout cas ils les entendaient, les sentaient au quotidien, dans leurs oreilles et leur conscience.
Et comme si ce n’était pas suffisant de vivre si près de l’horreur, comme de voir passer régulièrement des camps entiers de jeunes gens prêts à aller servir de chair à canons, est retrouvée étranglée, dès le début du roman, une fillette de 10 ans surnommée Belle de jour, fille de l’aubergiste.
Pour exorciser toute cette horreur, mais aussi pour tenter de comprendre pour lui-même, le policier plus ou moins chargé de l’enquête, prend la plume, pour raconter l’histoire, dans une langue chargée d’émotion(s) et d’images, avec de nombreux allers-retours entre les différentes périodes de la vie de la cité et de ses habitants.
Mais on comprend qu’il semble n’écrire que pour lui, sur des cahiers qu’il est même capable d’égarer, dans le seul but de ne pas se retrouver tout seul face à cette histoire. Le meurtre, la sienne, et l’Histoire avec un grand H.

Quand je dis qu’il est plus ou moins chargé de l’enquête, c’est que celle-ci n’a pas vraiment eu lieu. Parce que très vite on « soupçonne » le procureur dont le jardin donne sur la rivière où a été trouvée la fillette, mais qu’on ne peut rien faire contre ce grand bourgeois. On va donc essayer de trouver des coupables… 😮
J’ai été époustouflée par ce roman, 17 ans après la première lecture, et toute heureuse de retomber dessus !
Dans ce récit, on sue, on tue, on respire, on crache, on tranche, on aime, on espère, on bouffe, on boit !
Philippe Claudel a une langue très riche, et il nous emmène à la rencontre de nombreux personnages, tous complexes. Il sait, en quelques lignes ou en plusieurs pages nous donner l’impression de les avoir déjà rencontrés. J’ai adoré l’institutrice et son amoureux transi et handicapé, le policier bien sûr, mais à qui l’auteur n’a pas donné de nom, et à Joséphine qui récupère des cadavres d’animaux.
Pour la plupart d’entre eux c’est une vie de peu, une vie difficile, il faut bien imaginer ce que c’était que de vivre près des lignes de front, au début du 20e siècle, pendant la guerre.
Et pourtant cette ville-là est relativement épargnée par la mort, car il y a une usine qui a gardé tout son personnel, et donc certains fils et certains maris ! Mais pas tous, et reviennent les premières gueules cassées, dont Claudel nous parle avec humanité et respect.
Les âmes grises sont celles de tout le monde, oscillant constamment entre le noir et le blanc, comme les nôtres. Les âmes grises, ce sont quantités d’hommes et de femmes qui ont peuplé ce conte, comme je disais au début, la plupart mus par l’amour, mais aussi par l’appât du gain, l’ascension sociale, ou le souvenir.
Je sais qu’il en a été tiré un film qui doit être magnifique, mais comme d’habitude je resterai avec mes personnages de lecture. Et pour un long moment, ils m’ont marquée. ❤

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