Je ne connaissais pas cette collection L’arbalète chez Gallimard, mais je tombe coup sur coup sur deux romans ou récits, en rapport avec un père particulier.
Mais « Nos insomnies » n’a rien à voir avec le récit de Clémentine Mélois, les pères sont pour le coup très différents !
Je remercie cette maison d’édition et Version Femina de m’avoir envoyé ce livre. Je fais partie régulièrement du jury des lectrices, pour ce magazine.
Pour être tout à fait sincère, j’ai eu du mal à rentrer dans les 50 premières pages, mais j’ai décidé de faire un effort en prenant une heure pour lire un peu plus, et j’ai bien fait car cela m’a fait plonger dans ce roman.
L’histoire :
Pourquoi j’ai eu cette impression au début ? Parce qu’il s’agit de l’histoire, fin des années 90, d’une famille dans laquelle une tension est palpable dès les 1ères pages, qu’elle peut être assez désagréable, et surtout qu’elle me rappelle quelques souvenirs…
On ne connaîtra aucun prénom de cette famille qui ne parait pas d’emblée « malheureuse » : un père, une mère, une petite fille (notre narratrice), et ses petits frères jumeaux. Uniquement ses amies à elle seront nommées, ce qui laisse planer sur ce foyer un non-dit parfait ! 😶
Celle que la petite narratrice nommera constamment « le » père, est l’observatrice fine, attentive, étonnée souvent, de ce père très particulier, probablement pétri de soucis psychologiques, mais qu’à 9 ou 10 ans elle ne sait pas reconnaître et donc nommer.
« Je ne savais pas ce qui se tramait derrière ce mur, mais je savais qu’un jour je pourrais le raconter. »
Cette dépersonnalisation crée aussi une drôle d’ambiance, et puis le père est là sans être là, c’est super étrange. Il disparaît dans son bureau de la taille d’un cagibi, des heures durant, il disparaît dans ses pensées, il disparaît avec sa chienne qui semble être le seul membre de la famille avec qui il est vraiment bien. 🐕
Faire silence :
Et ce qui est non moins particulier, c’est que les parents et la petite fille sont pris régulièrement par des insomnies. 🥱
Sa façon de nous expliquer comment elle gère cela, en restant au lit quoi qu’il arrive, comme si le sommeil allait la cueillir à chaque minute, m’a donné envie d’aller la prendre dans mes bras à travers les pages, pour la rassurer ! 🩷
« La philosophie de la maison, c’était de ne pas parler de ces insomnies, d’en faire un sujet tabou, comme si de la sorte elles allaient disparaître. »
Les enfants doivent constamment marcher sur des œufs, ne pas faire de bruit, ne pas embêter le paternel, qui ne semble retrouver vie qu’avec ses potes à lui.
Les mots qu’elle entend, et qu’elle convertit en « chutpapadort« , « bruitsd’travaux » ou encore « journédificil » donnent au style, très littéraire pour autant, un « je ne sais quoi » d’encore plus tendu.
Elle nous raconte aussi sa mère, ou ses frères, mais beaucoup plus en seconde partie…, où une rupture se créée, et elle essaiera de nous parler de « cequisépassé« . Mais tout concourt à ce qu’elle fasse silence… dommage, car on sent plus de légèreté en elle.
C’est un 1er roman comme j’en ai rarement lu, d’une jeune femme chercheuse en sociologie, au vocabulaire recherché, et je suis curieuse de savoir ce qu’elle écrira par la suite. Mais en attendant laissons-lui le temps de savourer la sortie de celui-ci… 😉
Editions Gallimard, collection L’arbalète. 2025. 250 pages

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